dimanche 10 mars 2013

Et pourtant ...

Le Bénévole


Le bénévole (activus benevolus) est un mammifère bipède que l'on rencontre surtout en milieu associatif. C'est un ruminant: il rumine en effet constamment pour trouver le moyen de faire beaucoup avec rien et obtenir l'adhésion du plus grand nombre.

Alors que la plupart de ses congénères bipèdes gagnent leur vie en travaillant et que certains reçoivent même des indemnités sans rien faire, le bénévole, curieusement, met un point d'honneur à travailler sans percevoir aucune rémunération.

L'une des activités principales consiste à organiser des réunions où les autres bipèdes du même groupe associatif trouvent grand plaisir à se retrouver. Par contre, on voit à cette occasion, le bénévole errer de groupe en groupe, l'air grave et les traits tirés, soucieux du bon déroulement des festivités. Paradoxalement, il ne parviendra à se détendre que lorsque la journée sera finie.

L'ennemi héréditaire du bénévole est le « nyaqua », nom d'origine populaire provenant sans doute du fait que ce mammifère bipède, doté d'un petit cerveau et d'une grande langue venimeuse intervient toujours dans les discussions en commençant invariablement par ces mots: « il n'y a qu'à... » d'où son nom.

Le « nyaqua » évolue également en milieu associatif où il se tient le plus souvent tapi, attendant son heure et guettant sa proie. Il attend le moment où le bénévole pourra avoir un oubli ou commettre une erreur. Il bondit alors pour lancer son venin qui atteint immanquablement son adversaire désarmé, et provoque chez celui-ci une maladie implacable contre laquelle la médecine est impuissante: le « découragement ».

Les premiers symptômes de ce mal incurable sont rapidement visibles: absences de plus en plus fréquentes aux réunions, regain d’intérêt pour le jardinage, la pêche à la ligne... Et l’on voit même le bénévole se laisser aller à passer des soirées devant la télévision, au lieu de les consacrer aux tâches nobles que comporte toute vie associative, telles que mise sous enveloppes de bulletins d’information, collage d’étiquettes-adresses et de timbres-poste par centaines...

L’épidémie se propageant, on peut s’attendre à ce que l’Etat-Providence intervienne, au nom de l’égalité des chances, pour protéger la race des bénévoles, en les enfermant dans quelques zoos, où les « nyaqua » « fokon » et « ifo » avec leur petit cerveau et leur grande langue viendront se promener le dimanche en famille et leur jeter à travers les grilles quelques friandises, se souvenant avec nostalgie des temps heureux où ils pouvaient traquer le bénévole sans contrainte.

Mais, il est bien connu que, privées de liberté, les espèces en voie de disparition ne se reproduisent plus. Les « nyaqua », alors frustrés dans leurs instincts les plus profonds, ne manqueront pas, comme toute corporation soucieuse de défendre ses avantages acquis, de se rassembler pour une manifestation monstre au cours de laquelle on les verra défiler devant les cages des bénévoles, brandissant des pancartes portant cette inscription: « il n’y à qu’à les libérer !... ».

Récit de pure fiction ??? ...